Fascination et désillusion (Esmée)
I-Fascination.
Columbus, Ohio, Nord-Est des Etats-Unis, 18h00. C'était une journée chaude et ensoleillée comme tous les mois de juillet dans ma ville natale. Le soleil ne s'étant pas encore couché, je profitais de ses derniers rayons, avant que n'apparaisse le halo mystique de la lune.
A seize ans, on aime bien transgresser les interdits et c'était exactement ce que j'étais en train de faire. Ma maison étant construite sur un grand champ, des arbres avaient naquit en ce lieu. Le plus vieux et le plus grand de tous en était devenue mon terrain de jeux favoris, au grand désarroi de madame Platt, ma chère et tendre mère. Elle m'avait formellement interdit de grimper à cet arbre pour plusieurs raisons. Tout d'abord j'étais une fille et les demoiselles ne se prêtaient à ce genre de jeux. Ensuite il ne fallait en aucun cas que je déchire la moindre de mes robes ou jupes. Il faut dire que dans une telle tenue, c'est compliqué de grimper à quelque chose. Et puis dernière raison et non des moindres pour une mère, la seule fois où elle m'avait aperçue en haut de l'arbre, j'avais failli tomber. Et forcément comme toute bonne mère qui se respecte, elle avait eu peur que je ne me casse quelque chose.
Mais bon à cet âge là, lorsque l'on vous dit quelque chose, ça passe par une oreille et ça ressort de l'autre. Et bien évidemment, je ne faisais exception à la règle, malgré mes allures de fille sage.
Pour une fois que je pouvais être seule et m'amuser un peu, j'en profitais. Car en temps normal, mes parents passaient le plus clair de leur temps libre avec la famille Evenson. Grands amis de la famille Platt, les Evensons étaient une des familles les plus riches de la ville. Le couple avait un fils et bien évidemment il m'était promit en mariage. D'après mes parents, une fille telle que moi devait épouser pareil homme. Ne me demandez pas pourquoi, je ne saurais vous le dire. Pour ma part je le trouvais inintéressant, vide et plat et rien en lui aussi bien mentalement que physiquement ne m'attirait. Et pourtant j'avais accepté ce futur mariage sans broncher. De une, c'était dans ma nature. J'aimais tout le monde ou en tous les cas j'essayais. De deux, je voulais faire plaisir à mes parents. Je n'ai jamais réellement pensé à mon propre bonheur. Et de trois, de toutes mes amies, j'étais la seule qui n'était pas encore mariée ou du moins fiancée.
Pour la première fois depuis que je m'étais attaquée à l'ascension de cet arbre, je me retrouvais aussi haut perchée. Je me mis à regarder le sol et un sourire se dessina sur mes lèvres. Me reconcentrant sur ma destination finale, je remontai légèrement le bas de ma robe au dessus de mes genoux et je repris ma grimpe, jusqu'à ce qu'une branche plie et cède sous mon poids. Déstabilisée et n'ayant pas assez de force dans les bras pour me retenir, je tombais au sol.
Ma jambe droite fut le premier membre de mon corps à heurter la terre séchée par le soleil de l'été. Sous le choc, elle se brisa. Enfin je crois, vu la douleur et le bruit de craquement que je venais d'entendre.
Des larmes de douleur coulèrent sur mes joues blanches. Je touchai ma jambe meurtrie et gémissais de douleur. En me regardant de la tête au pied, je pus m'apercevoir que mes mains et mes jambes étaient égratignées et légèrement ensanglantées.
Ma mère sortie par la porte de la cuisine car le dîner était apparemment prêt.
-Esmée chérie où es-tu? Le dîner est prêt.Je me mis à crier, la voix remplie de sanglots.
-Maman je suis là!Ma mère arriva en courant, complètement affolée.
-Ma puce qu'est-ce que tu as fais?Me voyant au pied de mon arbre fétiche tout en me tenant la jambe, ma mère comprit instantanément.
-Esmée tu as grimpé à l'arbre et tu es tombé?Je me mis à pleurer de plus belle. Je craignais que la matriarche de la famille ne me gronde.
-Oui... Dis je faiblement.
Madame Platt s'accroupit face à moi.
-Oh mon coeur.Elle me prit dans ses bras.
-Ne pleure plus, ça va aller. On va allez consulter un médecin.Elle essuya mes larmes.
-Je vais appeler ton père et nous irons tous ensemble te soigner.-Je suis désolée maman. Je sais que...Je regardai ma mère dans les yeux, malgré le fait que je la vois toute trouble.
-Tu n'es pas fâchée?-Je ne suis pas très contente car je t'avais bien dis de ne pas grimper à cet arbre et tu ne m'a pas écouté. C'est bien fait pour toi. Comme ça au moins la prochaine fois tu ne recommenceras plus. Mais tu m'as tellement fait peur et en plus tu t'es fais mal que je ne peux être véritablement en colère.Ma mère caressa mes cheveux et embrassa mon front.
-Tu verras quand tu seras à ton tour mère. Charles et toi allez comprendre assez vite ce que s'est d'être parents.Je fis une grimace en entendant sa dernière phrase. Elle me voyait mère de famille avec Charles Evenson. Ma génitrice prit ma grimace pour de la douleur. Elle se leva.
-Je me dépêche d'allez chercher ton père.Quelques instants plus tard, elle revint avec mon père, qui me prit délicatement dans ses bras.
-Esmée qu'est-ce que l'on t'avait dit?Je regardai la figure paternelle, les yeux pleins de larmes.
-Allez ne pleure plus c'est finit.Au bout de trente minutes, mes parents et moi arrivâmes chez le médecin de famille. Ce dernier étant absent, mes parents prirent la décision de m'emmener à l'hôpital. Nous avions une heure de route, mais il était nécessaire que je consulte un docteur.
Il était 20h30 environ quand nous entrèrent dans l'hôpital qui paressait vide. Pourtant de nombreuses chambres étaient occupées, mais les médecins étaient peu nombreux. Une infirmière très souriante m'accueillit.
-Bonsoir petite. Que t'arrive-t-il?-Notre fille s'est cassée la jambe en tombant du haut d'un arbre.-Ne t'inquiètes pas, un médecin va te prendre en mains. Comment t'appelles tu?-Esmée Platt.-Bien Esmée. Où et quand es tu née?-A Columbus, le 13 aout 1895.-Merci. Suis moi.L'infirmière se leva et accompagna mes parents dans une salle, pour attendre le verdict du diagnostic.
-Le médecin viendra vous informer lorsqu'il aura consulté votre fille.Ma mère sourit aimablement.
-Merci. Nous allons l'attendre là. A tout à l'heure Esmée.Mes parents s'installèrent. Pour ma part, je suivis l'infirmière dans une petite chambre seule.
Cette pièce disposait d'une fenêtre et d'un lit.
-Voilà Esmée. Un médecin va venir te voir. Ne bouge pas.Je souris.
-Merci beaucoup.Je m'assis sur le lit avec l'aide de l'infirmière, qui me sourit.
-Es tu déjà venue dans cet hôpital?-Non c'est la première fois.-Donc tu ne connais aucun médecin.-Heu non.-Ne t'en fais pas. Je vais voir si le docteur Cullen est disponible. Il adore s'occuper des jeunes de ton âge.-D'accord merci.Elle partie prévenir le docteur Cullen. J'attendis une dizaine de minutes seule, lorsqu'un médecin rentra dans ma chambre, un sourire éclatant, illuminant son visage si pâle, aux trait tirés et aux cernes légèrement apparentes.
*Le pauvre.* Pensais-je.
Il devait surement travailler dur. Il avait pourtant l'air en forme.
Il était si beau. Mais je ne laissais rien transparaître sur mon visage.
*En espérant que je ne me mette pas à rougir lorsqu'il commencera à me toucher.* Me dis-je amusée.
Il avait fière allure dans sa blouse blanche de médecin et moi j'étais là, les jambes et les mains en sang, de la terre sur les vêtements, ces derniers étant légèrement déchirés. J'étais même persuadée avoir des feuilles dans les cheveux pour couronner le tout. Je me mis à rougir rien que de penser à mon allure de sauvage. Je me mis à le regarder dans les yeux. Quelle grave erreur. Pourquoi? Car son regard était hypnotisant et je n'arrivais plus à m'en détacher. Je lui souris.
-Bonjour... Heu... Bonsoir docteur.C'était donc cela la fascination? Lorsque nous perdions tout moyen d'agir, de parler, de réfléchir clairement? Et surtout, lorsque votre coeur battait à tout rompre?
Bizarrement, je le vis s'arrêter à l'ouverture de la porte. Il donnait l'étrange impression d'avoir peur ou d'hésiter à rentrer dans cette pièce. Comme si... Comme s'il ne voulait pas être seul enfermé dans cette chambre avec moi. Je ne comprenais pas sa réaction et mon coeur se mit encore à battre plus fort.